vendredi 16 novembre 2012

Le Voyage insolite (émission du 12 novembre)


Les départs exemplaires / Gabrielle Wittkop

À l’occasion des dix ans du décès de Gabrielle Wittkop, les éditions Verticales ont décidé de rééditer Les départs exemplaires, un des recueils de nouvelles de l’auteure, qui comprenait à l’origine trois textes. Cette édition est cependant bonifiée de deux nouvelles inédites, soit « Les derniers secrets de Mr. T. », qui ouvre le recueil et « Claude et Hippolyte », qui le referme. Comme j’aime beaucoup Gabrielle Wittkop, dont j’ai lu presque l’intégrale des écrits, je ne voulais pas rater cette rare occasion de découvrir de nouveaux textes de cette écrivaine, à l’univers macabre et à la plume ciselée.

Vous connaissez peut-être Le nécrophile, roman le plus célèbre de cette romancière excentrique, voire La marchande d’enfants, l’un de ses titres les plus subversifs. Les départs exemplaires ne s’inscrit pas tout à fait dans la même veine, même si l’on retrouve dans le recueil le caractère audacieux et irrévérencieux de l’écrivaine, ici distillé plus finement.

Dans la nouvelle d’ouverture, « Les derniers secrets de Mr. T. », nous avons affaire à une disparition énigmatique, comme c’est le cas dans chacun des textes du recueil. Mr. T. disparaîtra en effet dans la jungle, sans laisser de traces, comme s’il avait été avalé par les arbres. Mais qui était vraiment Mr. T ? Qu’est-ce qui a pu le pousser à disparaître ainsi ? Cette nouvelle, inquiétante, avec un certain souffle, donne le ton au recueil, préparant habilement le terrain pour le second texte, à mon avis le plus réussi du livre.

Dans « Idalia sur la tour », Wittkop rend compte avec une acuité impressionnante du sort d’Idalia, jeune femme en vacances qui se retrouve coincée dans les ruines d’une vieille tour. Incapable de communiquer avec l’extérieur, elle verra avec effroi les heures passer, à mesure que les recherches pour la retrouver restent vaines. Bijou d’horreur psychologique,  « Idalia sur la tour » est une vraie réussite et montre le talent de l’écrivaine à son meilleur.

Je ne m’attarde pas sur « Les nuits de Baltimore », texte à mon avis le plus falot du recueil, plutôt anecdotique. Il en va autrement de « Une descente », qui nous présente les revers de Seymour M. Kenneth, homme sans grande volonté, qui passera de la tyrannie de sa mère à celle d’Emily, propriétaire d’un magasin de chaussures. Après avoir été chassé par cette femme, il se retrouvera sans abri, à errer dans les étages souterrains de la ville (d'ailleurs fort habilement décrits), où il rencontrera d’autres malheureux fauchés par le sort.

Le recueil se termine sur une note agréable avec une nouvelle typiquement wittkopienne, « Claude et Hippolyte », dans laquelle deux jumeaux hermaphrodites identiques s’aiment d’un amour à la fois fusionnel et hédoniste. Mais leur double identité finira par jeter des soupçons sur leur honnêteté, surtout qu’un détail infime permet de les distinguer...

Bref, Les départs exemplaires est un recueil à la mesure du talent de la romancière, qui saura certainement plaire à ceux qui apprécient ses univers empoisonnés. Pour la découvrir, cependant, j’aurais tendance à recommander Le Nécrophile ou La marchande d’enfants, avant de se plonger dans ce recueil, qui est un incontournable complément pour ceux qui apprécient la prose vénéneuse de Wittkop.

2 commentaires:

  1. Tiens, tiens...je ne connaissais pas cette auteure, mais c'est tout à fait mon genre. Je vais écouter ton conseil, je part à la recherche des romans!

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  2. Désolée pour le délai de réponse, salon du livre oblige !

    Selon ce que je connais de tes goûts de lecture, je suis pas mal certaine que Gabrielle Wittkop pourrait te plaire, surtout "Le nécrophile" et "La marchande d'enfants", avec lesquels je te conseille de l'aborder. Ensuite, "Sérénissime Assassinat", très ciselé dans son écriture, pourrait être un bon choix ou encore "Les départs exemplaires". À éviter pour commencer, ces deux titres les plus falots à mon avis : "La mort de C." et "Chaque jour est un arbre qui tombe".
    Bonne lecture, Anne-Marie, et au plaisir d'en rediscuter :)

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