mercredi 17 septembre 2014

Le Voyage insolite (émission du 15 septembre)


Esparbec, Les biscuitières, Paris, La Musardine, 2014, 375 p.

Auteur d’une centaine de romans de gare, Esparbec a publié une douzaine de livres chez La Musardine. Les biscuitières, long roman de presque 400 pages, est le premier que j’ai l’occasion de lire. Et je dois avouer que je n’ai guère senti de longueurs dans le récit, sinon peut-être dans les cinquante dernières pages, qui m’ont paru plus expédiées, le rythme s’accélérant subitement. Mais attardons-nous d’abord sur ce que raconte ce plus récent livre d’Esparbec.

Charlotte est une adolescente de quinze ans qui, comme nombre de ses consœurs pauvres du village, est envoyée travailler à la biscuiterie locale. Celle-ci, propriété du comte Zappa, a la réputation d’être un lieu de perversions. Charlotte découvrira bientôt que cette réputation n’est en rien usurpée... Pourtant, le sort de l'adolescente est plus « enviable » que celui de plusieurs de ses collègues, qui subissent sans arrêt le chantage sexuel des contremaîtres (certaines étant consentantes, d’autres, non). Charlotte est en effet engagée par Mélanie, la « secrétaire » du comte Zappa, comme employée de bureau auxiliaire. Il faut dire que Mélanie a un penchant marqué pour les très jeunes femmes. Elle entreprendra donc d’initier Charlotte au saphisme, puis au sadomasochisme, avant de parfaire ses connaissances masculines auprès de Philéas, employé de bureau dont la jeune sœur, Opal, est l’un des rares protagonistes chastes du livre. Car la quasi-totalité des employés du comte Zappa ne vivent que pour assouvir sans arrêt leurs penchants charnels. Cette exagération dans les mœurs entraîne forcément une certaine invraisemblance, donnant l’impression que tout le monde, sans exception, est infidèle et incestueux et que personne n’est jamais en train de travailler à la biscuiterie (qui n’a étonnamment pas encore fait faillite).

De même, la jeune narratrice, exposée à divers fétichismes, dont certains ne sont pas banals (la bestialité, par exemple), demeure le plus souvent impassible ou excitée par à peu près tout ce qu’elle voit, même quand ses collègues souffrent considérablement (bref, on ne peut pas dire que Charlotte soit très empathique !). Cela dit, la psychologie de l'adolescente est tout de même bien dépeinte, même si l'attitude très ouverte de Charlotte à l’égard de toutes les perversions aurait parfois demandé  plus d’explications (après tout, elle est une « initiée » et non une « experte »).

Mais l’intérêt principal des Biscuitières demeure à mon sens son lent et constant crescendo érotique, qui fait littéralement retenir son souffle au lecteur ou à la lectrice. Nous avons ainsi l’impression de vivre en temps réel les premiers jours « d’embauche » de Charlotte dans les bureaux de la biscuiterie. Et comme Esparbec a un talent rare pour les descriptions détaillées, le roman possède sans contredit un côté très sensoriel. Voici donc un récit aux influences sadiennes maîtrisées, qui montre que, comme à son habitude, La Musardine a à cœur d’offrir à ses lecteurs et à ses lectrices des ouvrages de qualité.

                       La librairie du même nom de l'éditeur La Musardine, à Paris.

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