mardi 17 février 2015

Le Voyage insolite (émission du 16 février)


Brian Deleeuw, L’innocence, Paris, Éditions Super 8, 2014, 302 p.

L’innocence est l’un de ces ouvrages desservis par une fausse représentation ; il est vendu comme un thriller atroce et terrifiant. Nous sommes cependant assez loin de l’horreur pure dans ce premier roman de Brian Deleeuw, de même que du thriller. Nous avons plutôt affaire à du fantastique psychologique tout en nuances, qui ménage ses effets de terreur. Il va donc sans dire que j’ai été étonnée de trouver complètement autre chose que ce à quoi je m’attendais dans ce livre. 

L’histoire s’articule autour de l’existence solitaire de Luke Nightingale, à laquelle viendra bientôt se greffer Daniel. La nature de Daniel, que l’auteur ne révèle pas immédiatement, apparaît toutefois assez tôt au lecteur grâce à maints indices. Alors que Luke est un petit garçon d’une grande douceur, Daniel est son pendant cruel et sanguinaire. Autour d’eux gravite la figure tourmentée de Claire, la mère de Luke, qui, à l’instar de sa propre génitrice, a de graves problèmes psychologiques. À mesure que les années passent, Luke et Daniel assistent à son décrochage progressif du réel. C’est dans cette lente gradation vers la folie et le fantastique que réside à mon avis l’intérêt principal de L’innocence, qui aurait assurément gagné à être présenté comme du fantastique feutré. Car, hormis une scène finale forte, le potentiel horrifique du récit est mince, les éléments de cruauté étant abordés avec trop de retenus. De plus, comme ils sont peu nombreux dans les quelque trois cents pages du livre, le fantastique s’étire ici en longueur.

Néanmoins, il y a de belles idées dans L’innocence, et la thématique de la dualité est parfois rendue avec justesse. Les hésitations de Luke face au « mal » constituent des temps forts du récit. Malheureusement, je n’ai pu m’empêcher de me dire, après avoir refermé cet ouvrage, qu’il y avait là matière à faire quelque chose d’exceptionnel, mais que l’auteur n’était parvenu qu’à offrir quelque chose de bien. Mais comme il s’agit du premier roman de Brian de Leeuw et que son potentiel narratif est perceptible, je ne doute pas qu’il saura parfaire son art avec les années. En attendant, L’innocence s’adresse surtout aux lecteurs de fantastique discret qui ne recherchent pas les effets trop déstabilisants.


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